En fin de journée, dans une maison pas si paisible que ça...

- Maman ! appelai-je ma mère en la rejoignant à la cuisine.

- Qu'est-ce qu'il y a? Me demande-t-elle sans même se retourner, d'un air déjà exaspéré.

- Tu te souviens que j'ai une compétition demain?

- Demain? Je n'ai pas le temps.

- Mais maman, c'est important.

- Ce que j'ai à faire l'est aussi, débrouille-toi, et ne demande pas à ton père il a beaucoup de travail.

- Pff , soupirai-je, c'est toujours pareil de toute façon. Qu'est-ce qui est si important pour que tu ne puisses même pas venir me voir?

- Ne t'occupe pas de ça.

- Je parie que je sais pourquoi, marmonnai-je.

- Quoi?

- Rien, j'ai rien dit.

- Bon alors retourne dans ta chambre où n'importe où. Reste pas plantée là.

- Maman.

- Quoi encore?

- Depuis quand tu manges de la glace en plein après-midi? M'étonnai-je. Elle qui d'ordinaire n'en mange que rarement.

- J'en avais envie, voilà tout.

- Ok bon je peux aller faire de la voile?

- Mais oui, vas-y. Oh attends, viens, et va me jeter ça, finalement, je n'en veux plus.

- T'es sûre?

- Oui, oui, c trop amer. Jette-le.

- D'accord, haussai-je les épaules en m'exécutant. Maman ! Intervient Nicole qui passe le pas de la porte.

- Ah te voilà, réagit aussitôt ma mère, le sourire aux lèvres.

- Attends, je pose tout ça et j'arrive.

- Oui oui je t'attends. Ca n'a pas été trop dur l'entraînement?

Je regarde éberluée, le changement d'humeur de ma mère.

- Oui, très bien, alors c'est vrai? Tu vas avoir un bébé? Sourit Nicole, en venant par ici.

- Oui.

- Quoi? Restai-je bras balans, j'en avais aucune idée.

- Oui, me regarde ma mère, tu ne le sais pas encore, je suis enceinte, je l'ai appris tout à l'heure.

- Ah...ok. J'ai bien l'impression d'être la dernière informée sur ce coup.

- Qu'est-ce que t'as puceron? T'as avalé de travers? Rit Nicole.

- Non, mais bon je suis la dernière au courant quoi. Elle l'a fait exprès pour que je comprenne qu'elle savait un truc que moi j'ignorais.

- Oh Lucy, je n'ai pas pensé c'est tout, lève les yeux au ciel notre mère.

C'est bien ce que je dis, on pense à moi que quand on en a besoin dans cette famille, mais bon je m’abstiendrais de le dire, de toute façon, on me dirait encore que j'exagère.

- Alors tu es prête pour ta compétition?

- Oui t'inquiète pas, je vais tout gérer demain.

Compétition? Demain?

- Je me suis libérée, je vais pouvoir venir t'encourager.

- C'est vrai? Super.

- C'est là-bas que tu vas être ? J'aurai dû m'en douter! Rageai-je.

- Arrête ton caca nerveux Lucy, maman a bien le droit d'aller où elle veut quand elle veut quand même,intervient Nicole.

- Putain mais ta gueule quoi, t'es contente? Elle va aller te regarder taper dans la baballe et moi je vais encore me retrouver comme une cloche sans personne.

- Oui oui c'est ça, pleins toi, Caliméro.

- Oh arrêtez un peu, votre père va vous entendre.

- T'as raison, reprenons où nous en étions, se retourne Nicole vers notre mère.

Voilà comment c'est, les compétitions de cette chère Nicole passent avec mes trucs à moi, je n'ai visiblement pas autant d'attraits.

- Allez, va jouer dans ta caisse au lieu de faire l'épouvantail, me lance ma soeur en jetant un oeil par dessus son épaule avant de reprendre sa conversation.

Je suis sortie dans le jardin, agacée. Nicole n'a fait que me provoquer, je le sais, j'ai l'habitude. Mais que ma mère ne prenne jamais mon parti, ça, ça me met en rage, et en parler à mon père c'est même pas la peine. La tête dans ses dossiers il ne va jamais vouloir en entendre parler.

Je me suis assise sur la balançoire au lieu de partir tout de suite, parce que je ne veux pas partir en mer dans cet état d'esprit. Contrariée une fois de plus par la complicité qui lie ma mère et ma sœur. Vraiment c'est n'importe quoi, depuis quand on apprend la grossesse de sa mère de cette façon? N'importe quoi. En tout cas pauvre bébé, s'ils changent pas d'ici qu'il arrive il sera souvent chez la baby-sitter ou autre parce que cette chère Nicole aura une compétition, un concours où je ne sais quoi.

- Hey microbe ! M'interpelle Nicole quelques minutes plus tard.

- T'as pas bientôt fini j'ai que deux ans de moins que toi. Alors m'appeler microbe ou puceron, n'importe quoi.

- Ouai si tu veux, mais tu seras toujours un puceron.

- Et voilà, bla bla bla. Je vois pas pourquoi mais bon passons.

- Elle fait une colère la petite Lucy, bouhhh, se moque-t-elle.

- Bon qu'est-ce que tu veux? Changeai-je de sujet? Te pavaner d'avoir encore attiré l'attention sur toi c'est ça?

- Je suis venue m'excuser.

- T'excuser? Arrête tu vas pas me la faire à moi, tu entubes qui tu veux, papa, maman ou ta bande de débiles. Mais avec moi ça marche pas. T'adores ça faire ta gentille et par derrière me faire un coup foireux, Il n'y a qu'à la maison que t'ose me parler comme si j'étais le domestique, alors dis-moi plutôt qu'est-ce que tu me veux.

- Prête-moi de l'argent.

- T'es pas folle? Demande à maman elle fait tout ce que tu veux.

- Elle m'a déjà donné mon argent de poche, allez y a une after demain après la compet', je peux pas y aller les mains vides. Et je peux pas lui dire, allez Lucy, fais ça pour moi.

- T'es sérieuse? T'as cru que j'allais accepter? Allez va demander à tes potes plein de fric là. De moi t'auras rien du tout. C'est pas marqué pigeon sur mon front.

- Allez Lucy et je dis à maman de venir te voir demain.

- C'est ça, deux fois, si tu crois que je vais quémander un peu d'attention, tu as rêvé.

- Bon comme tu voudras, alors viens pas pleurer que t'auras personne demain.

- Oh fais pas comme si tu t'étais déjà préoccupée de moi une seule fois dans ta vie va. C'est pas comme ça je te passerais du fric.

- C'est juste que je te trouve un peu inutile à ma vie la plupart du temps, hausse-t-elle les épaules.

- Comme ça on est deux, tu peux dégager maintenant? Tu pollues mon air.

- Ça va, je m'en vais, merci de ta non-aide.

- Bah écoute c'est tout ce que pouvait faire pour toi une inutile à ta vie.

Elle a tourné les talons en souriant à moitié. Elle est toujours comme ça, souffler le chaud et le froid, mais je sais quel bout va devant moi. J'ai déjà vu ses différentes facettes, je sais bien quand elle est honnête ou pas. Elle peut jouer la comédie autant qu'elle veut, avec moi ça marche pas. Je la ferais descendre de son piédestal la miss qui se croit parfaite.

Trois ans plus tard, par un après-midi ensoleillé sur un ponton.

Aujourd'hui, c'est le premier jour des vacances d'été. J'en ai fini avec le lycée, et j’espérais pour l'occasion réussir à faire ce dont je suis incapable depuis deux ans. Je ne sais que la regarder, sans réussir à y entrer. Cette mer dans laquelle j'ai pourtant passé tant de temps les seize premières années de mon existence. Je n'y arrive plus. A cause de cette journée là. Parce qu'elle a fini englouti par elle.

Ma soeur, Nicole, est morte, noyée, il y a deux ans. Pourquoi j'ai ainsi la peur au ventre rien qu'à l'idée, je ne sais pas. J'ai grandi, j'ai atteint l'âge qu'elle avait quand elle est morte. Pourtant même en son absence, ma vie n'a pas beaucoup changé, l'ambiance à la maison n'est guère différente que de son vivant. Je n'ai jamais souhaité sa mort mais puisqu'elle l'est je pensais qu'on m’octroierait un peu plus d'attention... c'était vraiment débile de penser ça. Morte ou vivante, elle reste le point central de la vie de mes parents.

Après avoir erré une partie de la journée, je décide de rentrer, je me relève donc pour remettre mes chaussures et ramasser mon sac. Ce ne sera pas encore aujourd'hui.

Je n'ai vraiment pas envie de rentrer. Mes parents y seront, après tout nous sommes samedi.

Mais en avançant doucement, je remarque une silhouette familière.

- Nolhann ! L'appelai-je sans succès. Je décide alors de courir pour le rattraper.

Je le connais, enfin non connaître est un grand mot, je le croise par ici depuis quelques temps et on a bavardé quelques fois très vaguement. Il vit dans le voisinage, et justement, j'ai trouvé sa réaction la dernière fois qu'on s'est croisé un peu bizarre.

- Hey ! Nolhann McLinston ! L'appelai-je à nouveau en arrivant près de la route. Nolhann !

Cette fois il se fige sans pour autant se retourner. Vraiment bizarre. Je le trouvais sympa quand je l'ai rencontré, il a pas pu changé aussi vite.