Elle se retourne vers moi alors que je me rapproche à nouveau d'elle, elle a séché ses yeux.

- Merci, souffle-t-elle à Baptiste dans un petit sourire avant de revenir vers moi. T'es sûre?

- Sûre de quoi? Tu sembles avoir envie de parler, je suis là.

- On se connaît pas pourtant.

- Quelqu'un m'a dit que c'était plus facile de parler avec quelqu'un qu'on connaît pas. Allons nous asseoir tu seras mieux.

- D'accord.

- Est-ce que tu as des frères ou soeurs? Me demande-t-elle alors qu'on rejoint le banc.

- Oui, j'ai un frère, Anthony. J'ai découvert y a pas longtemps que j'avais une demi-soeur, Mélissa, du même père, qui a son âge. Et là ma mère est enceinte mais pas de mon père, de son nouveau compagnon.

- Et bien, je pensais ma famille compliquée mais ce n'est pas vraiment le cas après ça.

- Pourquoi ?

- J'ai une unique petite soeur, Charlotte. Mon père est porté disparu depuis deux ans, il n'est jamais revenu d'un voyage en mer. Il ne reste que ma mère.

- Désolée. Tu disais que tu pouvais pas voir ta soeur pour son anniversaire?

- J'ai quitté la maison pour suivre mon petit ami quand j'ai eu seize ans. Peu après j'ai su pour la grossesse. Ma mère était déjà en colère après moi alors je ne lui ai pas dit pour le bébé. En plus quand il a su mon copain était apparemment ravi mais quelques semaines plus tard, il a plié bagage, et depuis il m'ignore et m'a signé les papiers quand je lui ai demandé pour l'adoption, c'est tout. J'ai emménagé par ici pour ne pas croiser ma mère avec mon gros ventre et voilà, depuis plus d'un an je n'ai pas vu ma petite Charlie.

- Oh... D'accord..

- T'inquiète je compte régler les choses après. Et toi tu t'es décidée? Que vas-tu faire?

- Avorter...

- Vraiment? Je peux te demander ton histoire?

- Je suis sortie un moment avec mon ami d'enfance, et à la rentrée il m'a largué, par la suite j'ai appris qu'il me trompait, visiblement depuis longtemps. Entre temps, un jour et par pure folie je me suis laissée aller dans ses bras alors qu'on avait déjà rompu. Mais je l'aimais tellement je voulais essayer de le récupérer. Résultat aujourd'hui il est avec l'autre, je le hais, et je suis enceinte.

- Ah ouai... Pas évident non plus. Tu lui as dit pour la grossesse?

- Non. Il me dira de le garder. Je le connais trop bien.

- Pourquoi tu avortes alors tu pourrais le récupérer.

- Trop tard, et je ne veux pas faire ça pour le récupérer. S'il doit revenir vers moi ca sera en rempant pour que je puisse l'écraser comme une punaise.

- Il a dû te faire souffrir.

- C'est le cas. Je commence tout juste à m'en remettre.

- Je comprends pourquoi tu préfères avorter. Mais tu m'as bien dit que ta mère est enceinte non? Tu n'as pas peur que ça te fasse mal ?

- Si évidemment, j'appréhende. Ca va pas tarder à se voir en plus.  Et puis tu connais pas la meilleure...

- C'est quoi?

- Son nouveau compagnon...c'est le père de l'autre...

- Oh merde alors.

- Je sais... Je le hais, pourtant je vais devoir faire comme si pour rassurer les autres, mais je ne sais pas comment je vais faire.

- Mais tu as l'air de quelqu'un de fort je suis sûre que tu vas t'en sortir.

- Mais Polmen m'a dit que je devrais en parler à un de mes parents, et là c'est l'angoisse.

- T'es pas obligée de dire qui est le père si c'est ça ton angoisse, c'est juste de savoir qu'il va se passer quelque chose, tu peux prendre tes propres décisions.

- Oui je sais, soupirai-je, je verrais ce soir. Sinon toi, comment t'as décidé de ne pas le garder? Puisque tu dois poursuivre ta grossesse...

- C'est simple, je me vois pas avec un bébé. Je ne suis pas assez mature pour m'occuper d'une autre vie que la mienne. Et surtout j'ai appris que la santé de ma mère n'est pas terrible. Je vais devoir rentrer pour m'occuper d'elle et de Charlie. Un bébé sur tout ça, je ne pourrais pas.

- Tu sembles l'aimer ta petite soeur. Elle a quelle âge?

- Onze ans aujourd'hui, regarde, dit-elle en sortant des photos d'une poche qu'elle pose sur le banc entre nous deux pour me les montrer.

- Je l'adore, ça me tue de ne pas l'appeler aujourd'hui.

- Tu aurais pu lui envoyer une carte ou quelque chose.

- Je préfère pas, je l'imagine déjà en train de pleurer en demandant où je suis. Sans mes nouvelles elle ne pensera peut-être pas à moi.

- Elle est mimi. Mais est-ce que tu n'as pas l'impression de sacrifier ton bébé pour ta petite soeur?

- Non, je donne une chance à mon bébé d'être plus heureux que dans une famille déglinguée comme la mienne.

- Je comprends. D'ailleurs tu sais ce que c'est?

- Non. Et je veux pas savoir. Moins j'en sais mieux c'est.

- C'est pour quand?

- Dans une petite semaine.

- Je te reverrais?

- Oui, j'ai un suivi avant de pouvoir rentrer. J'ai prévu de rentrer chez moi dans un mois.

- Je me demandais... Tu m'arrêtes si ça t'ennuie...

- Continue, on verra, souriai-je.

- Est-ce que tu veux qu'on s'échange nos numéros? Je sais je suis ridicule mais j'ai du mal à me faire des amis, surtout depuis que j'ai ce gros ventre. Et je trouve qu'on accroche bien. Je me disais qu'on pourrait rester en contact par la suite. Enfin si tu veux biensûr.

- Avec plaisir oui. Mais il ne faut pas que nos grossesses reviennent sur la tapis.

- Je suis tout à fait d'accord.

- Préviens-moi quand tu auras accouché, et si tu as besoin de parler, je serais là pour t'écouter.

- Merci. Tu sembles entourée mais en cas de besoin ou de conseil, je suis ici aussi.

- Merci, souriai-je, par contre excuse-moi, après ça, dis-je en sortant mon téléphone pendant qu'elle m'imite, je vais devoir y aller, j'ai un ami à aller rechercher à l'hôpital.

- Je comprends. Pas de soucis, je vais rentrer me reposer de toute façon.

J'avais retrouvé Baptiste à la voiture et il semblait toujours en grande conversation au téléphone, je me suis donc assise à côté de lui jusqu'à ce qu'il finisse et quand ce fût le cas il semblait énervé et n'avait rien voulu m'expliquer, il avait la musique et nous nous sommes dirigés vers l'hôpital en silence. Il a commencé à se dérider en se garant, il s'est excusé et m'a expliqué que sa grand-mère venait de lui prendre la tête.

Alors en arrivant à l'étage pour chercher Gwenaël on parlait de ce que sa grand-mère lui avait sorti pour l'empêcher d'emmener son petit frère pour quelques jours mais il a fini par me dire qu'il a eu gain de cause car le petit Henry s'était mis à le réclamer alors qu'il était toujours au téléphone. Mais que sa grand-mère avait des conditions et c'est ce qui semble agacer Baptiste.

- Et bien, vaut mieux tard que jamais, nous interrompt la voix de Gwenaël.

- Ah t'es là? S'étonne Baptiste.

- Evidemment t'es en retard. Mais je ne savais pas que tu viendrais aussi Riley.

- On était ensemble, rétorque Baptiste, je lui ai proposé de venir aussi.

- Encore ensemble? Intervient Brandy.

- Ca te pose un problème à toi? Grogne Baptiste. Et c'est quoi cette tenue? La prochaine fois vient carrément à poil, tu gagneras du temps.

- Hey oh du calme brutus ! Va ronger ton os ! Hausse-t-elle les épaules.

- T'as l'air contrarié Bapt, tout va bien? S'enquit Gwenaël.

- Faut que je parle à Brandy deux minutes.

- Qu'est-ce que tu veux?

- En particulier.

- Tu peux parler ici.

- Nan je crois pas. Tu veux pas que je dise ça devant témoin.

- Tu n'agis comme ça que quand ça parle du petit blond n'est-ce pas? Lance Gwenaël.

- Ouai, j'ai appelé la folle, faut que j'en parle à Brandy.

- Si c'est pour me parler d'Henry, c'est pas la peine.

- Ramène-toi ou je te botte les fesses.

- Ok, soupire-t-elle en se levant, je viens mais me saoule pas.

- Maintenant qu'ils sortent, tu vas peut-être pouvoir dire quelque chose, je pense qu'on a empêché de parler depuis ton arrivée.

- Tu vas bien?

- Pardon?

- Oui et bien on m'a empêché de venir ici et après je n'ai pas pu donc je te demande, comment tu vas.

- Ah ouai, j'ai entendu ça, désolé. Bah je vais bien, j'ai juste eu un moment très compliqué.

- Si tu me disais ce que tu as ?

-C'est pas le moment. Mais dis-moi, si j'ai bien compris, t'es au courant pour Henry.

Oui, il m'en a parlé tout à l'heure.

- Etonnant, il n'en parle pas beaucoup.

- J'ai compris que le sujet le mettait mal à l'aise, admis-je.

- En colère surtout il voudrait faire plus pour le petit. Bref. Assise, maintenant on va parler de toi.

Je m'exécute après un haussement d'épaules. Il ne sait pas la décision que j'ai prise il va donc falloir que je lui dise.

- Je pense qu'ils en ont pour un moment, alors raconte. Quoi de neuf à ce sujet?

- On était en retard parce que je suis allée voir le psy.

- T'as pris ta décision?

- Oui.

- Laquelle? Demande-t-il en se redressant me mettant de plus en plus mal à l'aise.

- Je vais avorté, soufflai-je.

- T'es sûre que c'est ce que tu veux?

- Oui.

- Tu lui as dit?

- Non, peut-être que je lui dirai, peut-être que non, mon coeur me serrait un peu plus à chaque parole. Me faisant bientôt monter les larmes aux yeux.

- Oula, c'est quoi ça? Tu regrettes ta décision?

- Non, c'est pas ça, soufflai-je alors que les larmes coulent sans que je les retienne.

- Ca veut simplement dire que je vais définitivement tourner la page, et c'est douloureux.

- Je comprends, dit-il en m'attirant contre lui.

- Te retienspas, ça a besoin de sortir pour mettre le point final.

- Tu crois que je fais ce qu'il faut?

- Je crois que tu fais le bon choix oui. Qu'est-ce que tu ressens pour lui maintenant?

- Je le hais, chaque fois que je le vois j'ai envie d'hurler.

- Alors c'est mieux comme ça.

- Vaut mieux que je me redresse, soufflai-je. Si Brandy débarque elle va encore péter une durite.

- Je me fiche de ce qu'elle peut penser. Je te laisse pas dans ton coin maintenant. J'ai l'impression que tu me dis pas tout là. Autre chose t'ennuie?

- Faut que je le dise, dis-je avant d'éclater en sanglots et de me recroqueviller sur moi-même.

- Attends, à qui ? Au père tu fais ce que tu veux.

- A un parent, j'ai dix-sept ans. J'ai pas le choix.

- Merde. T'as peur des réactions?

- Ma mère est bizarre en ce moment, ça peut aller bien comme très mal.

- Cette fois je ne peux pas t'aider il va falloir être forte.

- Je sais.

- Mais tu pourras toujours compter sur moi n'importe quand ok?

- Oui, je sais, merci, reniflai-je.

- Allez va pleure, ça fera du bien, ajoute-t-il en m'attirant de nouveau contre lui avec sa main droite.